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COSME DE MÉDICIS.

Il serait pourtant considérable, et je voudrais que mon nom fût aussi assuré de vivre que le vôtre.

BÉRÉNICE.

Hélas ! quand toutes les constellations porteraient mon nom, en serais-je mieux ? Ils seraient là-haut dans le ciel, et moi, je n’en serais pas moins ici-bas. Les hommes sont plaisans ; ils ne peuvent se dérober à la mort, et ils tâchent à lui dérober deux ou trois syllabes qui leur appartiennent. Voilà une belle chicane qu’ils s’avisent de lui faire. Ne vaudrait-il pas mieux qu’ils consentissent de bonne grâce à mourir eux et leurs noms ?

COSME DE MÉDICIS.

Je ne suis point de votre avis : on ne meurt que le moins qu’il est possible, et tout mort qu’on est, on tâche à tenir encore à la vie par un marbre où l’on est représenté, par des pierres que l’on a élevées les unes sur les autres, par son tombeau même. On se noie, et on s’accroche à tout cela.

BÉRÉNICE.

Oui, mais les choses qui devraient garantir nos noms de la mort, meurent elles-mêmes à leur manière. À quoi attacherez-vous votre immortalité ? Une ville, un empire même ne vous en peut pas bien répondre.

COSME DE MÉDICIS.

Ce n’est pas une mauvaise invention que de donner son nom à des astres ; ils demeurent toujours.

BÉRÉNICE.

Encore de la manière dont j’en entends parler, les astres eux-mêmes sont-ils sujets à caution. On dit qu’il y en a de nouveaux qui viennent, et d’anciens qui s’en vont ; et vous verrez qu’à la longue, il ne me