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relle. Il est trop guindé, vous êtes trop badin, je suis raisonnable.

ADRIEN.

Quoi ! vous me reprochez d’avoir trop peu craint la mort.

MARGUERITE D’AUTRICHE.

Oui ; il n’y a pas d’apparence que l’on n’ait aucun chagrin en mourant ; et je suis sûre que vous vous fîtes alors autant de violence pour badiner, que Caton pour se déchirer les entrailles. J’attends un naufrage à tous momens, sans m’épouvanter, et je compose de sang-froid mon épitaphe : cela est fort extraordinaire ; et s’il n’y avait rien qui adoucît cette histoire, on aurait raison de ne la croire pas, ou de croire que je n’eusse agi que par fanfaronnade. Mais en même temps, je suis une pauvre fille deux fois fiancée, et qui ai pourtant le malheur de mourir fille ; je marque le regret que j’en ai, et cela met dans mon histoire toute la vraisemblance dont elle a besoin. Vos vers, prenez-y garde, ne veulent rien dire ; ce n’est qu’un galimatias composé de petits termes folâtres : mais les miens ont un sens fort clair, et dont on se contente d’abord, ce qui fait voir que la nature y parle bien plus que dans les vôtres.

ADRIEN.

En vérité, je n’eusse jamais cru que le chagrin de mourir avec votre virginité eût dû vous être si glorieux.

MARGUERITE D’AUTRICHE.

Plaisantez-en tant que vous voudrez ; mais ma mort, si elle peut s’appeler ainsi, a encore un avantage essentiel sur celle de Caton et sur la vôtre. Vous aviez tant