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laisse pas d’avoir toujours dans le fond quelque chose de fort héroïque. Mais par où pouvez-vous prétendre que la vôtre l’emporte ? Autant qu’il m’en souvient, vous êtes mort dans votre lit tout uniment, et d’une manière qui n’a rien de remarquable.

ADRIEN.

Quoi ! n’est-ce rien de remarquable que ces vers que je fis presque en expirant ?

Ma petite âme, ma mignonne,
Tu t’en vas donc, ma fille, et Dieu sache où tu vas ?
Tu pars seulette et tremblottante ! Hélas !
Que deviendra ton humeur folichonne ?
Que deviendront tant de jolies ébats.

Caton traita la mort comme une affaire trop sérieuse : mais pour moi, vous voyez que je badinai avec elle ; et c’est en quoi je prétends que ma philosophie alla plus loin que celle de Caton. Il n’est pas si difficile de braver fièrement la mort, que d’en railler nonchalamment, ni de la bien recevoir quand on l’appelle à son secours, que quand elle vient sans qu’on ait besoin d’elle.

MARGUERITE D’AUTRICHE.

Oui, je conviens que la mort de Caton est moins belle que la votre ; mais, par malheur, je n’avais point remarqué que vous eussiez fait ces petits vers, en quoi consiste toute la beauté.

ADRIEN.

Voilà comme tout le monde est fait. Que Caton se déchire les entrailles, plutôt que de tomber entre les mains de son ennemi, ce n’est peut-être pas au fond si