Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/425

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais apparemment les mesures qu’il avait prises en comptant sur sa fermeté, étaient prises si juste, qu’il ne pouvait plus attendre, et il ne se fût peut-être pas tué, s’il eût différé d’un jour.

ADRIEN.

Vous dites vrai, et je vois que vous vous connaissez en morts généreuses.

MARGUERITE D’AUTRICHE.

Cependant, on dît qu’après qu’on eût apporté cette épée à Caton, et que l’on se fut retiré, il s’endormit et ronfla. Cela serait assez beau.

ADRIEN.

Et le croyez-vous ? Il venait de quereller tout le monde, et de battre ses valets : on ne dort pas si aisément après un tel exercice. De plus, la main dont il avait frappé l’esclave lui faisait trop de mal pour lui permettre de s’endormir ; car il ne put supporter la douleur qu’il y sentait, et il se la fit bander par un médecin, quoiqu’il fût sur le point de se tuer. Enfin, depuis qu’on lui eut apporté son épée jusqu’à minuit, il lut deux fois le dialogue de Platon. Or, je prouverais bien, par un grand souper qu’il donna le soir à tous ses amis, par une promenade qu’il fit ensuite, et par tout ce qui se passa jusqu’à ce qu’on l’eût laissé seul dans sa chambre, que quand on lui apporta cette épée il devait être fort tard : d’ailleurs, le dialogue qu’il lut deux fois est très long, et par conséquent, s’il dormit, il ne dormit guère. En vérité, je crains bien qu’il n’ait fait semblant de ronfler, pour en avoir l’honneur auprès de ceux qui écoutaient à la porte de sa chambre.

MARGUERITE D’AUTRICHE.

Vous ne faites pas mal la critique de sa mort, qui ne