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pouvoir faire des sottises en sûreté. L’empereur Charles V, dont assurément vous avez entendu parler ici-bas, s’étant allé faire battre fort mal à propos vers les côtes d’Afrique, m’envoya aussitôt une assez belle chaîne d’or. Je la reçus, et la regardant tristement : Ah ! c’est là bien peu de chose, m’écriai-je, pour une aussi grande folie que celle qu’il a faite.

AUGUSTE.

Vous aviez trouvé là une nouvelle manière de tirer de l’argent des princes.

PIERRE ARÉTIN.

Navais-je pas sujet de concevoir l’espérance d’une merveilleuse fortune, en m’établissant un revenu sur les sottises d’autrui ! C’est un bon fonds, et qui rapporté toujours bien.

AUGUSTE.

Quoi que vous en puissiez dire, le métier de louer est plus sûr, et par conséquent meilleur.

PIERRE ARÉTIN.

Que voulez-vous, je n’étais pas assez impudent pour louer.

AUGUSTE.

El vous l’étiez bien assez pour faire des satires sur les têtes couronnées.

PIERRE ARÉTIN.

Ce n’est pas la même chose. Pour faire des satires, il n’est pas toujours besoin de mépriser ceux contre qui on les fait ; mais pour donner de certaines louanges fades et outrées, il me semble qu’il faut mépriser ceux mêmes à qui on les donne, et les croire bien dupes. De quel front Virgile osait-il vous dire qu’on ignorait quel parti vous prendriez parmi les dieux, et que c’é-