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DIALOGUES
DES MORTS ANCIENS
AVEC DES MODERNES.
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DIALOGUE PREMIER.

AUGUSTE, PIERRE ARÉTIN.


PIERRE ARÉTIN.

Oui, je fus bel esprit dans mon siècle, et je fis auprès des princes une fortune assez considérable.

AUGUSTE.

Vous composâtes donc bien des ouvrages pour eux ?

PIERRE ARÉTIN.

Point du tout. J’avais pension de tous les princes de l’Europe, et cela n’eût pas pu être, si je me fusse amusé à louer. Ils étaient en guerre les uns avec les autres : quand les uns battaient, les autres étaient battus ; il n’y avait pas moyen de leur chanter à tous leurs louanges.

AUGUSTE.

Que faisiez-vous donc ?

PIERRE ARÉTIN.

Je faisais des vers contre eux. Ils ne pouvaient pas entrer tous dans un panégyrique, mais ils entraient bien tous dans une satire. J’avais si bien répandu la terreur de mon nom, qu’ils me payaient tribut pour