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ayez beaucoup d’art, pour déguiser ainsi en petits contes les instructions les plus importantes que la morale puisse donner, et pour couvrir vos pensées sous des images aussi justes et aussi familières que celles-là.

Ésope.

Il m’est bien doux d’être loué sur cet art, par vous qui l’avez si bien entendu.

HOMÈRE.

Moi ? je ne m’en suis jamais piqué.

Ésope.

Quoi ! n’avez-vous pas prétendu cacher de grands mystères dans vos ouvrages ?

HOMÈRE.

Hélas ! point du tout.

Ésope.

Cependant, tous les savans de mon temps le disaient ; il n’y avait rien dans l’Iliade, ni dans l’Odyssée, à quoi ils ne donnassent les allégories les plus belles du monde. Ils soutenaient que tous les secrets de la théologie, de la physique, de la morale, et des mathématiques même, étaient renfermés dans ce que vous aviez écrit. Véritablement il y avait quelque difficulté à les développer ; où l’un trouvait un sens moral, l’autre en trouvait un physique : mais après cela, ils convenaient que vous aviez tout su, et tout dit à qui le comprenait bien.

HOMÈRE.

Sans mentir, je m’étais bien douté que de certaines gens ne manqueraient point d’entendre finesse où je n’en avais point entendu. Comme il n’est rien tel que de prophétiser des choses éloignées, en attendant l’événement, il n’est rien tel aussi que de débiter des fables, en attendant l’allégorie.