Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/372

Cette page n’a pas encore été corrigée

que ce ne fussent que les prêtres, je voudrais bien savoir si l’on pouvait obliger les uns ou les autres à parler plus clairement.

Il prétend, avec plus d’apparence, que les vers prophétiques se décrièrent par l’usage qu’en faisaient de certains charlatans, que le menu peuple consultait le plus souvent dans les carrefours. Les prêtres des temples ne voulurent avoir rien de commun avec eux, parce qu’ils étaient des charlatans plus nobles et plus sérieux, ce qui fait une grande différence dans ce métier-là.

Enfin, Plutarque se résout à nous apporter la véritable raison. C’est qu’autrefois on ne venait consulter Delphes que sur des choses de la dernière importance, sur des guerres, sur des fondations de villes, sur les intérêts des rois et des républiques. Présentement, dit-il, ce sont des particuliers qui viennent demander à l’oracle s’ils se marieront, s’ils achèteront un esclave, s’ils réussiront dans le trafic ; et lorsque des villes y envoient, c’est pour savoir si leurs terres seront fertiles ou si leurs troupeaux multiplieront. Ces demandes-là ne valent pas la peine qu’on y réponde en vers ; et si le dieu s’amusait à en faire, il faudrait qu’il ressemblât à ces sophistes qui font parade de leur savoir, lorsqu’il n’en est nullement question.

Voilà effectivement ce qui servit le plus à ruiner les oracles. Les Romains devinrent maîtres de toute la Grèce et des empires fondés par les successeurs d’Alexandre. Dès que les Grecs furent sous la domination des Romains, dont ils n’espérèrent pas de pouvoir sortir, la Grèce cessa d’être agitée par les divisions continuelles qui régnaient entre tous ces petits États, dont les intérêts étaient si brouillés. Les maîtres communs calmèrent