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CHAPITRE V

Que quand le paganisme n’eût pas dû être aboli, les oracles eussent pris fin. Première raison particulière de leur décadence.

Le paganisme a dû nécessairement envelopper les oracles dans sa ruine lorsqu’il a été aboli par le christianisme. De plus, il est certain que le christianisme, avant même qu’il fût encore la religion dominante, fit extrêmement tort aux oracles, parce que les chrétiens s’étudièrent à en désabuser les peuples et à en découvrir l’imposture : mais, indépendamment du christianisme, les oracles ne laissaient pas de déchoir beaucoup par d’autres causes, et à la fin ils eussent entièrement tombé.

On commence à s’apercevoir qu’ils dégénèrent dès qu’ils ne se rendent plus en vers. Plutarque a fait un traité exprès pour rechercher la raison de ce changement ; et, à la manière des Grecs, il dit sur ce sujet tout ce qu’on peut dire de vrai et de faux.

D’abord, c’est que le dieu qui agite la Pythie se proportionne à sa capacité, et ne lui fait point faire de vers si elle n’est pas assez habile pour en pouvoir faire naturellement. La connaissance de l’avenir est d’Apollon, mais la manière de l’exprimer est de la prêtresse. Ce n’est pas la faute du musicien s’il ne peut pas se servir d’une lyre comme d’une flûte ; il faut qu’il s’accommode à l’instrument. Si la Pythie donnait ses oracles par écrit, dirions-nous qu’ils ne viendraient pas d’Apollon, parce qu’ils ne seraient pas d’une assez belle écriture ? L’âme