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croire anéantis du moment qu’on les voit muets : ils pourront reprendre la parole.

Plutarque dit qu’anciennement un dragon, qui s’était venu loger sur le Parnasse, avait fait déserter l’oracle de Delphes ; qu’on croyait communément que c’était la solitude qui y avait fait venir le dragon ; mais qu’il y avait plus d’apparence que le dragon y avait causé la solitude ; que, depuis, la Grèce s’était remplie de villes, etc.

Vous voyez que Plutarque vous parle d’un temps assez éloigné. Ainsi l’oracle, depuis sa naissance, avait déjà été abandonné une fois ; ensuite, il est sûr qu’il s’était merveilleusement bien rétabli.

Après cela, le temple de Delphes essuya diverses fortunes. Il fut pillé par un brigand descendu de Phlégios, par l’armée de Xerxès, par les Phocenses, par Pyrrhus, par Néron, enfin par les chrétiens sous Constantin. Tout cela ne faisait pas de bien à l’oracle : les prêtres étaient ou massacrés ou dispersés ; on abandonnait le lieu ; les ustensiles sacrés étaient perdus : il fallait des soins, des frais et du temps pour remettre l’oracle sur pied.

Il se peut donc faire que Cicéron ait, pendant sa jeunesse, consulté l’oracle de Delphes ; que, pendant la guerre de César et de Pompée, et dans ce désordre général de l’univers, l’oracle ait été muet, comme le veut Lucain ; qu’enfin, après le feu de cette guerre, lorsque Cicéron écrivait ses livres de philosophie, il commençait à se rétablir assez pour donner lieu à Quintus de dire qu’il était encore au monde, et assez peu pour donner lieu à Cicéron de supposer qu’il n’y était plus.

Quand Dorimaque, au rapport de Polybe, brûla les