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c’est l’ambiguïté des réponses, et l’art qu’on avait de les accommoder à tous les événements qu’on pouvait prévoir.

Lorsque Alexandre tomba malade tout d’un coup à Babylone, quelques-uns des principaux de sa cour allèrent passer une nuit dans le temple de Sérapis, pour demander à ce dieu s’il ne serait point à propos de lui faire apporter le roi, afin qu’il le guérît. Le dieu répondit qu’il valait mieux pour Alexandre qu’il demeurât où il était. Sérapis avait raison ; car s’il se le fût fait apporter, et qu’Alexandre fût mort en chemin, ou même dans le temple, que n’eût-on pas dit ? Mais si le roi recouvrait sa santé à Babylone, quelle gloire pour l’oracle ! S’il mourait, c’est qu’il lui était avantageux de mourir, après des conquêtes qu’il ne pouvait ni augmenter ni conserver. Il s’en fallut tenir à cette dernière interprétation, qui ne manqua pas d’être trouvée à l’avantage de Sérapis, sitôt qu’Alexandre fut mort.

Macrobe dit que quand Trajan eut pris le dessein d’aller attaquer les Parthes, on le pria d’en consulter l’oracle de la ville d’Héliopolis, auquel il ne fallait qu’envoyer un billet cacheté. Trajan ne se fiait point trop aux oracles, il voulut auparavant éprouver celui-là. Il y envoie un billet cacheté, où il n’y avait rien ; on lui en renvoie autant : voilà Trajan convaincu de la divinité de l’oracle. Il y envoie une seconde fois un autre billet cacheté, par lequel il demandait au dieu s’il retournerait à Rome après avoir mis fin à la guerre qu’il entreprenait. Le dieu ordonna que l’on prît une vigne qui était une des offrandes de son temple, qu’on la mît par morceaux, et qu’on l’apportât à Trajan. L’événement,