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remplissaient-elles l’esprit de superstition, de frayeur et de crainte ? Combien de machines pouvaient jouer dans ces ténèbres ? L’histoire de l’espion de Démétrius nous apprend qu’il n’y avait pas de sûreté dans l’antre pour ceux qui n’y apportaient pas de bonnes intentions ; et de plus, qu’outre l’ouverture sacrée qui était connue de tout le monde, l’antre en avait une secrète qui n’était connue que des prêtres. Quand on s’y sentait entraîné par les pieds, on était sans doute tiré par des cordes, et on n’avait garde de s’en apercevoir en y portant les mains, puisqu’elles étaient embarrassées de ces compositions de miel qu’il ne fallait pas lâcher. Ces cavernes pouvaient être pleines de parfums et d’odeurs qui troublaient le cerveau ; ces eaux de Léthé et de Mnémosyne pouvaient aussi être préparées pour le même effet. Je ne dis rien des spectacles et des bruits dont on pouvait être épouvanté ; et quand on sortait de là tout hors de soi, on disait ce qu’on avait vu ou entendu à des gens qui, profitant de ce désordre, le recueillaient comme il leur plaisait, y changeaient ce qu’ils voulaient, ou enfin en étaient toujours les interprètes.

Ajoutez à tout cela que de ces oracles qui se rendaient par songes, il y en avait auxquels il fallait se préparer par des jeûnes, comme celui d’Amphiaraos (Philostrate, livre Il de la Vie d’Apollonius), dans l’Attique ; que si vos songes ne pouvaient pas recevoir quelque, interprétation apparente, on vous faisait dormir dans le temple sur nouveaux frais ; que l’on ne manquait jamais de vous remplir l’esprit d’idées propres à vous faire avoir des songes où il entrât des dieux et des choses extraordinaires ; et qu’on vous faisait dormir le