Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/329

Cette page n’a pas encore été corrigée

compositions de miel, qu’il fallait nécessairement porter ; on passait les pieds dans l’ouverture de la petite caverne, et aussitôt on se sentait emporté au-dedans avec beaucoup de vitesse.

C’était là que l’avenir se déclarait, mais non pas à tous d’une même manière. Les uns voyaient, les autres entendaient. Vous sortiez de l’antre, couché par terre, comme vous y étiez entré, et les pieds les premiers. Aussitôt on vous mettait dans la chaise de Mnémosyne, où l’on vous demandait ce que vous aviez vu ou entendu. Delà, on vous ramenait dans cette chapelle du Bon-Génie, encore tout étourdi et hors de vous. Vous repreniez vos sens peu à peu, et vous recommenciez à pouvoir rire, car jusque-là la grandeur des mystères et la divinité dont vous étiez rempli vous en avaient bien empêché. Pour moi, il me semble qu’on n’eût pas dû attendre si tard pour rire.

Pausanias nous dit qu’il n’y a jamais eu qu’un homme qui soit entré dans l’antre de Trophonius et qui n’en soit pas sorti. C’était un certain espion que Démétrius y envoya pour voir s’il n’y avait pas dans ce lieu saint quelque chose qui fût bon à piller. On trouva loin de là le corps de ce malheureux, qui n’avait point été jeté dehors par l’ouverture sacrée de l’antre.

Il ne nous est que trop aisé de faire nos réflexions sur tout cela. Quels loisirs n’avaient pas les prêtres, pendant tous ces différents sacrifices qu’ils faisaient faire, d’examiner si on était propre à être envoyé dans l’antre ! Car assurément Trophonius choisissait ses gens et ne recevait pas tout le monde. Combien toutes ces ablutions, et ces expiations, et ces voyages nocturnes, et ces passages dans des cavernes étroites et obscures,