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manger eux-mêmes. L’Écriture attribue-t-elle ce prodige aux démons ? Point du tout, mais à des prêtres imposteurs ; et c’est là la seule fois où l’Écriture s’étend un peu sur un prodige du paganisme ; et en ne nous avertissant point que tous les autres n’étaient pas de la même nature, elle nous donne à entendre fort clairement qu’ils en étaient. Combien, après tout, devait-il être plus aisé de persuader aux peuples que les dieux descendaient dans des temples pour leur parler, leur donner des instructions utiles, que de leur persuader qu’ils venaient manger des membres de chèvres et de moutons ? Et si les prêtres mangeaient bien en la place des dieux, à plus forte raison pouvaient-ils parler aussi en leur place.

Les voûtes des sanctuaires augmentaient la voix et faisaient un retentissement qui imprimait de la terreur ; aussi voyez-vous dans tous les poètes que la Pythie poussait une voix plus qu’humaine ; peut-être même les trompettes, qui multipliaient le son, n’étaient-elles pas alors tout à fait inconnues ; peut-être le chevalier Morland n’a-t-il fait que renouveler un secret que les prêtres païens avaient su avant lui, et dont ils avaient mieux aimé tirer du profit, en ne le publiant pas, que de l’honneur en le publiant. Du moins, le P. Kirker assure qu’Alexandre avait une de ces trompettes avec laquelle il se faisait entendre de toute son armée en même temps.

Je ne veux pas oublier une bagatelle qui peut servir à marquer l’extrême application que les prêtres avaient à fourber. Du sanctuaire ou du fond des temples il sortait quelquefois une vapeur très agréable, qui remplissait tout le lieu où étaient les consultants. C’était l’arrivée du dieu qui parfumait tout. Juger si des gens