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érigés en dieux par un mouvement naturel des peuples, touchés de leurs bienfaits. On se formait une idée très relevée des uns parce qu’on ne les voyait point, et des autres parce qu’on les aimait ; mais on n’en pouvait pas faire autant pour un empereur romain, qui était dieu par ordre de la cour, et non pas par l’amour du peuple, et qui, outre cela, venait d’être homme publiquement.

Quant aux oracles, leur premier établissement n’est pas non plus difficile à expliquer. Donnez-moi une demi-douzaine de personnes à qui je puisse persuader que ce n’est pas le soleil qui fait le jour, je ne désespérerai pas que des nations entières n’embrassent cette opinion. Quelque ridicule que soit une pensée, il ne faut que trouver moyen de la maintenir pendant quelque temps : la voilà qui devient ancienne, et elle est suffisamment prouvée. Il y avait sur le Parnasse un trou, d’où il sortait une exhalaison qui faisait danser les chèvres et qui montait à la tête. Peut-être quelqu’un qui en fut entêté se mit à parler sans savoir ce qu’il disait, et dit quelque vérité. Aussitôt il faut qu’il y ait quelque chose de divin dans cette exhalaison ; elle contient la science de l’avenir : on commence à ne s’approcher plus de ce trou qu’avec respect ; les cérémonies se forment peu à peu. Ainsi naquit apparemment l’oracle de Delphes ; et comme il devait son origine à une exhalaison qui entêtait, il fallait absolument que la Pythie entrât en fureur pour prophétiser. Dans la plupart des autres oracles, la fureur n’était pas nécessaire. Qu’il y en ait une fois un d’établi, vous jugez bien qu’il va s’en établir mille. Si les dieux parlent bien là, pourquoi ne parleront-ils point ici ? Les