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en même temps à ses soldats et la bataille et la victoire. Cependant, il y eut contestation entre les gardes des poulets sur cet auspice qu’on avait rapporté à faux. Le bruit en vint jusqu’à Papirius, qui dit qu’on lui avait rapporté un auspice favorable et qu’il s’en tenait là ; que si on ne lui avait pas dit la vérité, c’était l’affaire de ceux qui prenaient les auspices et que tout le mal devait tomber sur leur tête. Aussitôt, il ordonna qu’on mît ces malheureux aux premiers rangs, et, avant que l’on eût encore donné le signal de la bataille, un trait partit sans que l’on sût de quel côté et alla percer le garde des poulets qui avait rapporté l’auspice à faux. Dès que le consul sut cette nouvelle, il s’écria :

« Les dieux sont ici présents, le criminel est puni ; ils ont déchargé toute leur colère sur celui qui la méritait ; nous n’avons plus que des sujets d’espérance. »

Aussitôt, il fit donner le signal et il remporta une victoire entière sur les Samnites.

Il y a bien de l’apparence que les dieux eurent moins de part que Papirius à la mort de ce pauvre garde des poulets et que le général en voulut tirer un sujet de rassurer les soldats que le faux auspice pouvait avoir ébranlés. Les Romains savaient déjà de ces sortes de tours dans le temps de leur plus grande simplicité.

Il faut donc avouer que nous aurions grand tort de croire les auspices ou les oracles plus miraculeux que les païens ne les croyaient eux-mêmes. Si nous n’en sommes pas aussi désabusés que quelques philosophes et quelques généraux d’armées, soyons-le du moins autant que le peuple l’était quelquefois.

Mais tous les païens méprisaient-ils les oracles ? Non, sans doute. Eh bien ! quelques particuliers qui n’y ont