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ni de faire son personnage comme les autres dans les fêtes publiques ; cependant le peuple lui fit son procès sur les sentiments particuliers qu’on lui imputait en matière de religion, et qu’il fallait presque deviner en lui, parce qu’il ne s’en était jamais expliqué ouvertement. Le peuple entrait donc en connaissance de ce qui se traitait dans les écoles de la philosophie ; et comment souffrait-il qu’on y soutînt hautement tant d’opinions contraires au culte établi, et souvent même à l’existence des dieux ? Du moins, il savait parfaitement ce qui se jouait sur les théâtres. Ces spectacles étaient faits pour lui, et il est sûr que jamais les dieux n’ont été traités avec moins de respect que dans les comédies d’Aristophane. Mercure, dans le Plutus, vient se plaindre de ce qu’on a rendu la vue au dieu des richesses, qui auparavant était aveugle ; et de ce que, Plutus commençant à favoriser également tout le monde, les autres dieux à qui on ne fait plus de sacrifices pour avoir du bien, meurent tous de faim. Ils poussent la chose jusqu’à demander un emploi, quel qu’il soit, dans une maison bourgeoise, pour avoir du moins de quoi manger. Les Oiseaux d’Aristophane sont encore bien libres. Toute la pièce roule sur ce qu’une certaine ville des oiseaux, que l’on a dessein de bâtir dans les airs, interromprait le commerce qui est entre les dieux et les hommes, rendrait les oiseaux maîtres de tout, et réduirait les dieux à la dernière misère. Je vous laisse à juger si tout cela est bien dévot. Ce fut pourtant ce même Aristophane qui commença à exciter le peuple contre la prétendue impiété de Socrate. Il y a là je ne sais quoi d’inconcevable qui se trouve souvent dans les affaires du monde.