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ces oracles, puisqu’il cherchait à l’attraper par la comparaison des oiseaux ; et après qu’il l’eut attrapé en effet, apparemment il le crut moins dieu que jamais. Les Cuméens eux-mêmes n’en devaient être guère persuadés, puisqu’ils croyaient qu’une seconde députation pouvait le faire dédire, et que du moins il penserait mieux à ce qu’il devait répondre. Je remarque ici, en passant, que, puisque Aristodicus tendait un piège à ce dieu, il fallait qu’il eût prévu qu’on ne lui laisserait pas chasser les oiseaux d’un asile si saint sans en rien dire, et que, par conséquent, les prêtres étaient extrêmement jaloux de leurs temples.

Ceux d’Égine (Hérodote, liv. V) ravageaient les côtes de l’Attique, et les Athéniens se préparaient à une expédition contre Égine, lorsqu’il leur vint de Delphes un oracle qui les menaçait d’une ruine entière, s’ils faisaient la guerre aux Éginètes plus tôt que dans trente ans ; mais, ces trente ans passés, ils n’avaient qu’à bâtir un temple à Éaque, et entreprendre la guerre, et alors tout devait leur réussir. Les Athéniens, qui brûlaient d’envie de se venger, coupèrent l’oracle par la moitié ; ils n’y déférèrent qu’en ce qui regardait le temple Éaque, et ils le bâtirent sans retardement ; mais pour les trente ans, ils s’en moquèrent ; ils allèrent aussitôt attaquer Égine, et eurent tout l’avantage. Ce n’est point un particulier qui a si peu d’égard pour les oracles ; c’est tout un peuple, et un peuple très superstitieux.

Il n’est pas trop aisé de dire comment les peuples païens regardaient leur religion. Nous avons dit qu’ils se contentaient que les philosophes se soumissent aux cérémonies ; cela n’est pas tout à fait vrai. Je ne sache point que Socrate refusât d’offrir de l’encens aux dieux,