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perdent la bataille, Jupiter a été inexorable ; s’ils la gagnent, Jupiter s’est enfin laissé fléchir. Tu dis, Apollon, qu’on fuie dans des murs de bois ; tu conseilles, tu ne devines pas. Moi qui ne sais point deviner, j’en eusse bien dit autant ; j’eusse bien jugé que l’effet de la guerre serait tombé sur Athènes ; et que, puisque les Athéniens avaient des vaisseaux, le meilleur pour eux était d’abandonner leur ville et de se mettre tous sur la mer. »

Telle était la vénération que de grandes sectes de philosophes avaient pour les oracles, et pour les dieux qu’on en croyait auteurs. Il est assez plaisant que toute la religion païenne ne fût qu’un problème de philosophie. Les dieux prennent-ils soin des affaires des hommes ? n’en prennent-ils pas soin ? Cela est essentiel ; il s’agit de savoir si on les adorera, ou si on les laissera là sans aucun culte : tous les peuples ont déjà pris le parti d’adorer ; on ne voit de tous côtés que temples, que sacrifices ; cependant une grande secte de philosophes soutient publiquement que ces sacrifices, ces temples, ces adorations sont autant de choses inutiles, et que les dieux, loin de s’y plaire, n’en ont aucune connaissance. Il n’y a point de Grec qui n’aille consulter les oracles sur ses affaires ; mais cela n’empêche pas que dans trois grandes écoles de philosophie, on ne traite hautement les oracles d’impostures.

Qu’il me soit permis de pousser un peu plus loin cette réflexion ; elle pourra servir à faire entendre ce que c’était que la religion chez les païens. Les Grecs, en général, avaient extrêmement de l’esprit ; mais ils étaient fort légers, curieux, inquiets, incapables de se modérer sur rien, et, pour dire tout ce que j’en pense, ils