Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome III, 1825.djvu/287

Cette page n’a pas encore été corrigée

confiance en ses propres forces, l’opinion de son mérite, l’envie d’avoir toujours la préférence ; mais qu’il tient de sa mère cette indigence qui fait qu’il demande toujours, cette importunité avec laquelle il demandait, cette timidité qui l’empêche quelquefois d’oser demander, cette disposition qu’il a à la servitude, et cette crainte d’être méprisé qu’il ne peut jamais perdre. Voilà, à mon sens, une des plus jolies fables qui se soient jamais faites. Il est plaisant que Platon en fît quelquefois d’aussi galantes et d’aussi agréables qu’avait pu faire Anacréon lui-même, et quelquefois aussi ne raisonnât pas plus solidement que n’aurait fait Anacréon. Cette origine de l’Amour explique parfaitement bien toutes les bizarreries de sa nature ; mais aussi on ne sait plus ce que c’est que les démons, du moment que l’Amour en est un. Il n’y a pas d’apparence que Platon ait entendu cela dans un sens naturel et philosophique, ni qu’il ait voulu dire que l’Amour fût un être hors de nous, qui habitât les airs. Assurément il l’a entendu dans un sens galant, et alors il me semble qu’il nous permet de croire que tous ses démons sont de la même espèce que l’Amour ; et puisqu’il mêle de gaieté de cœur des fables dans son système, il ne se soucie pas beaucoup que le reste de son système passe pour fabuleux. Jusqu’ici, nous n’avons fait que répondre aux raisons qui ont fait croire que les oracles avaient quelque chose de surnaturel ; commençons présentement à attaquer cette opinion.