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conçu la plus haute idée de Dieu ; mais cela même l’a jeté dans de faux raisonnements. Parce que Dieu est infiniment élevé au-dessus des hommes, il a cru qu’il devait y avoir entre lui et nous des espèces moyennes qui fissent la communication de deux extrémités si éloignées, et par le moyen desquelles l’action de Dieu passât jusqu’à nous. Dieu, disait-il, ressemble à un triangle qui a ses trois côtés égaux, les démons à un triangle qui n’en a que deux égaux, et les hommes à un triangle qui les a inégaux tous les trois. L’idée est assez belle, il ne lui manque que d’être mieux fondée.

Mais quoi ! ne se trouve-t-il pas après tout que Platon a raisonné juste ? Et ne savons-nous pas certainement, par l’Écriture sainte, qu’il y a des génies, ministres des volontés de Dieu, et ses messagers auprès des hommes ? N’est-il pas admirable que Platon ait découvert cette vérité par ses seules lumières naturelles ?

J’avoue que Platon a deviné une chose qui est vraie, et cependant je lui reproche de l’avoir devinée. La révélation nous assure de l’existence des anges et des démons ; mais il n’est point permis à la raison humaine de nous en assurer. On est embarrassé de cet espace infini qui est entre Dieu et les hommes, et on le remplit de génies et de démons ; mais de quoi remplira-t-on l’espace infini qui sera entre Dieu et ces génies, ou ces démons mêmes ? Car de Dieu à quelque créature que ce soit, la distance est infinie. Comme il faut que l’action de Dieu traverse, pour ainsi dire, ce vide infini pour aller jusqu’aux démons, elle pourra bien aller aussi jusqu’aux hommes, puisqu’ils ne sont plus éloignés que de quelques degrés qui n’ont nulle proportion avec ce premier éloignement. Lorsque Dieu