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secret ; au contraire, il en a fait acheter plusieurs au roi ; mais il voulait qu’ils fussent véritablement secrets, c’est-à-dire inconnu jusques-là, et d’une utilité constante. Souvent il a fait voir à des gens qui croyaient posséder un trésor, que leur trésor était déjà public ; il leur montrait le livre où il était renfermé ; car il avait une vaste lecture, et une mémoire qui la mettait tout entière à profit.

Aussi, pour être parvenu à la première dignité de sa profession, ne s’était-il nullement relâché du travail qui l’y avait élevé. Il voulait la mériter encore de plus en plus après l’avoir obtenu. Les fêtes, les spectacles, les divertissemens de la cour, quoique souvent dignes de curiosité, ne lui causaient aucune distraction. Tout le temps où son devoir ne l’attachait pas auprès de la personne du roi, il l’employait ou à voir des malades, ou à répondre à des consultations, ou à étudier. Toutes les maladies de Versailles lui passaient par les mains, et sa maison ressemblait à ces temples de l’antiquité, où étaient en dépôt les ordonnances et les recettes qui convenaient aux maux différens. Il est vrai que les suffrages des courtisans en faveur de ceux qui sont en place, sont assez équivoques ; qu’on croyait faire sa cour de s’adresser au premier médecin, qu’on s’en faisait même une espèce de loi ; mais heureusement, pour les courtisans, ce premier médecin était aussi un grand médecin.

Il avait besoin de l’être pour lui-même ; il était né d’une-très faible constitution, sujet à de grandes incommodités, surtout à un asthme violent. Sa santé, ou plutôt sa vie, ne se soutenait que par une extrême sobriété, par un régime presque superstitieux ; et il pouvait donner pour preuve de son habileté, qu’il vivait.