Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome I, 1825.djvu/472

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

y avait eu la principale part, et il mit à la tête un petit poème latin. Ce concours de plantes, qui de toutes les parties du monde sont venues à ce rendez-vous commun : ces différens peuples végétaux, qui vivent sous un même climat ; le vaste empire de Flore, dont toutes les richesses sont rassemblées dans cette espèce de capitale ; les plantes les plus rares et les plus étrangères, telles que la sensitive, qui a plus d’âme, ou une âme plus fine que les autres ; le soin du roi pour la santé de ses sujets, soin qui aurait seul suffi pour rendre la sienne infiniment précieuse, et digne que toutes les plantes salutaires y travaillassent, tout cela fournit assez au poète ; et d’ailleurs on est volontiers poète pour ce qu’on aime.

À peine Fagon était-il docteur, qu’il eut les deux places de professeur en botanique et en chimie au jardin royal ; car on y avait joint la chimie qui fait usage des plantes, à la botanique qui les fournit. Comme il avait peuplé de plantes ce jardin, il le repeupla aussi de jeunes botanistes que ses leçons y attiraient de toutes parts.

Un jour qu’il devait parler sur la thériaque, l’apothicaire qui était chargé d’apporter les drogues, lui en apporta une autre presque aussi composée, dont je n’ai pu savoir le nom, sur laquelle il n’était point préparé. Il commença par se plaindre publiquement de la supercherie ; car il avait lieu d’ailleurs de croire que c’en était une ; mais pour corriger l’apothicaire de lui faire de pareils tours, il se mit à parler sur la drogue qu’on lui présentait, comme il eût fait sur la thériaque ; et fut si applaudi, qu’il dut avoir beaucoup de reconnaissance pour la malignité qu’on avait eue.