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en était devenu invisible, et tous deux presque inséparables. Au peu de propriétés naturelles que l’on connaissait dans ces deux mixtes, on en avait ajouté tant qu’on avait voulu d’imaginaires qui brillaient beaucoup davantage. Les métaux sympathisaient avec les planètes et avec les principales parties du corps humain ; un alkaëst, que l’on n’avait jamais vu, dissolvait tout : les plus grandes absurdités étaient révérées à la faveur d’une obscurité mystérieuse dont elles s’enveloppaient, où elles se retranchaient contre la raison. On se faisait honneur de ne parler qu’une langue barbare, semblable à la langue sacrée de l’ancienne théologie d’Égypte, entendue des seuls prêtres, et apparemment assez vide de sens. Les opérations chimiques étaient décrites dans les livres d’une manière énigmatique, et souvent chargées à dessein de tant de circonstances impossibles ou inutiles, qu’on voyait que les auteurs n’avaient voulu que s’assurer la gloire de les savoir, et jeter les autres dans le désespoir d’y réussir. Encore n’était-il pas fort rare que ces auteurs mêmes n’en sussent pas tant, ou n’en eussent pas tant fait qu’ils le voulaient faire accroire. Lemery fut le premier qui dissipa les ténèbres naturelles ou affectées de la chimie, qui la réduisit à des idées plus nettes et plus simples, qui abolit la barbarie inutile de son langage, qui ne promit de sa part que ce qu’elle pouvait, et ce qu’il la connaissait capable d’exécuter ; de là vint le grand succès. Il n’y a pas seulement de la droiture d’esprit, il y a une sorte de grandeur d’âme à dépouiller ainsi d’une fausse dignité la science qu’on professe.

Pour rendre la sienne encore plus populaire, il imprima en 1675 son Cours de chimie. La gloire qui se tire