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C’étoit là son but principal, la conservation des Hommes. Non seulement l’interest de la guerre, mais aussi son humanité naturelle les lui rendoit chers. Il leurs sacrifioit toûjours l’éclat d’une conquête plus prompte, et une gloire assés capable de séduire, et, ce qui est encore plus difficile, quelquefois il resistoit en leur faveur à l’impatience des Generaux, et s’exposoit aux redoutables discours du Courtisan oisif. Aussi les Soldats lui obéîssoient-ils avec un entier dévoüement, moins animés encore par l’extrême confiance qu’ils avoient à sa capacité, que par la certitude et la reconnoissance d’être ménagés autant qu’il étoit possible.

Pendant toute la guerre que la Paix de Nimegue termina, sa vie fut une action continuelle, et tres vive ; former des desseins de Sièges, conduire tous ceux qui furent faits, du moins dès qu’ils étoient de quelque importance, réparer les Places qu’il avoit prises, et les rendre plus fortes, visiter toutes les Frontières, fortifier tout ce qui pouvoit être exposé aux Ennemis, se transporter dans toutes les Armées, et souvent d’une extrémité du Royaume à l’autre.

Il fut fait Brigadier d’Infanterie en 1674, Maréchal de Camp en 1676, et en 1678 Commissaire General des Fortifications de France, Charge qui vaquoit par la mort de M. le Chevalier de Clerville. Il se défendit d’abord de l’accepter, il en craignoit ce qui l’auroit fait désirer à tout autre, les grandes relations qu’elle lui donnoit avec le Ministere. Cependant le Roi l’obligeat d’autorité à prendre la Charge, et il faut avoüer que malgré toute sa droiture il n’eut pas lieu de s’en repentir. La Vertu ne laisse pas de réüssir quelquefois, mais ce n’est qu’à force de temps et de preuves redoublées.