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ESSAI SUR L’HOMME.

« Tous sont faits pour un seul ; respectez mon empire ? »
Préjugé monstrueux ! système criminel !
Que réprouve à la fois la nature et le Ciel,
Que le stupide orgueil en tous lieux a fait naître,
Qui déshonore ensemble et l’esclave et le maître,
Avilit tous les cœurs et confond tous les droits.

 La force fut d’abord la première des lois,
Et le droit du vainqueur devint le droit unique.
Alors, du haut des Cieux, au vainqueur tyrannique
La Superstition apportant la terreur,
Lui dit : « Je te fais Dieu, si tu sers ma fureur.
Contre le genre humain unissons-nous ensemble !
Qu’il tombe à nos genoux, qu’il adore, et qu’il tremble. »
Le monstre, au bruit des monts par la flamme en trou verts,
Aux éclats de la foudre, aux rayons des éclairs,
D’un pouvoir invisible annonçant l’anathème,
Fait trembler la faiblesse et l’audace elle-même.
Les Dieux du haut des airs descendent grand bruit ;
Les spectres infernaux, noirs enfants de la nuit,
Sortent en rugissant de la terre embrasée ;
On creusa le Tartare, on planta l’Élysée,
La peur fit les démons, et l’espoir fit les Dieux ;
Dieux cruels, emportés, jaloux, capricieux,
Leurs lois sont la fureur, le meurtre et l’adultère ;
Ils ont rempli le Ciel des crimes de la terre ;
Le faux zèle en leur nom convertit par le fer ;
L’orgueil bâtit l’olympe. et la haine l’Enfer :
L’autel, enrichi d’or, est entouré de crimes.