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ŒUVRES DE FONTANES.


 Alors par la nature un vieillard couronné,
Père, pontife et roi d’un peuple fortune,
Parut à ses sujets une autre Providence :
Son œil était leur guide, et sa voix leur science.
À la terre surprise il donna les moissons,
Au filet chancelant suspendit les poissons,
Dompta le feu, contint la vague prisonnière,
Et du ciel à ses pieds fit tomber l’aigle altière.
L’âge affaiblit trop tôt ce vieillard révéré ;
Il expire, et le dieu comme un homme est pleuré.

 Mais d’aïeux en aïeux cherchant un premier Être,
Vers lui l’homme s’élève ; il l’adore, ou peut-être
Un souvenir antique à jamais retracé
Apprit au genre humain que tout a commencé :
La raison distingua l’ouvrier de l’ouvrage ;
Un Dieu seul fut admis ; et, dans ce premier age,
Conduit à la vertu par l’attrait du bonheur,
L’homme heureux se disait, comme son Créateur ;
« Tout est bien ! » adorant un père dans son Maitre,
Il ne redoutait point celui qui le fit naître,
Mais unissait toujours, dans la Divinité,
Au suprême pouvoir la suprême bonté.
L’ignorance et la crainte, autour des diadèmes,
N’inscrivaient point encor les titres des dieux mêmes ;
L’amour du Créateur était toute la foi,
Et l’amour des humains était toute la loi.

 Quel homme à ses égaux le premier osa dire :