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ŒUVRES DE FONTANES.

Et le père défend la famille alarmée :
Mais, s’essayant bientôt sur leur aile emplumée,
Les nourrissons plus forts s’échappent de leurs nids ;
Plus d’instinct, plus d’amour : les parents désunis
Forment un autre hymen, et, changeant de familles,
Peuplent d’enfants nouveaux les nouvelles charmilles.

 Plus lent à se former, l’homme a plus de liens ;
À sa longue faiblesse il faut de longs soutiens.
Le temps et la raison raffermissent encore
Ce premier sentiment que l’instinct fit éclore.
Ainsi dans notre cœur à jamais confondus,
L’amour et l’intérêt font germer nos vertus,
Et de communs bienfaits une chaîne éternelle
Joint la race qui meurt à la race nouvelle.
Le jeune homme qui voit les auteurs de ses jours
Appesantis par l’âge implorer son secours,
Soudain vers son berceau reportant sa pensée,
Se rappelle ses pleurs, sa faiblesse passée ;
Et, prévoyant aussi les besoins des vieux ans,
Court d’un père affaibli guider les pas pesants.
L’espérance, les soins, le plaisir, la tendresse,
Des mortels fugitifs éternisent l’espèce.

 Ne crois pas qu’autrefois, en sortant du berceau,
Le genre humain sauvage ait marché sans flambeau ;
Dieu régnait seul alors : sous ses lois équitables,
L’homme, en se chérissant, chérissait ses semblables ;
L’orgueil séditieux qu’enfante un faux savoir,
Les arts qui de l’orgueil ont fondé le pouvoir,