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ESSAI SUR L’HOMME.

Tu parviens jusqu’à l’heure où, lassé de son rôle,
L’acteur dans le tombeau s’endort paisiblement.
Des scènes de la vie éternel dénoûment !

 Cependant des mortels souveraine volage,
Errante à nos regards sur un léger nuage,
L’Opinion, qui charme et qui trompe toujours,
De ses rayons changeants vient embellir nos jours.
Au défaut du bonheur, l’homme en a l’apparence ;
Ses vœux sont ses trésors : l’invisible Espérance,
Qui daigne à nos côtés voyager ici-bas,
Veille encor près de nous au moment du trépas :
C’est elle qui sans cesse au banquet de la vie,
Telle qu’un hôte aimable en riant nous convie.
Et verse en notre coupe un délire éternel :
Le rêve du bonheur est un bonheur réel.
Au désir qui n’est plus le prompt désir succède,
Et ce n’est point en vain que l’orgueil nous possède
Le vide du bon sens par l’orgueil est rempli.
Sur de vils intérêts l’amour-propre établi
Devient une balance, où la raison sévère
Au poids de mes besoins juge ceux de mon frère.
Reconnais donc enfin, à ton vrai rang placé,
Qu’un Dieu sage, en secret, conduit l’homme insensé.