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PRÉFACE.

profondeur philosophique. La traduction de ce poëme avait tenté le brillant et heureux traducteur des Géorgiques. M. de Fontanes, déjà connu par quelques essais d’une pureté admirable, ne dut pas redouter même une telle concurrence : il devança M. Delille ; et son ouvrage parut en 1783, précédé d’un Discours préliminaire que La Harpe célébra comme le chef-d’œuvre d’une prose éloquent appliquée aux raisonnements de la critique, et aux spéculations du goût. Quelques morceaux de la traduction n’étaient pas moins remarquables par l’éclat du coloris poétique. Mais ce premier essai d’une tâche difficile offrait aussi de nombreux défauts. La précision de l’original était quelquefois trop exactement reproduite ; et une sorte de roideur et d’effort gênait les mouvements du style : en tout, c’était la preuve d’un rare talent plutôt qu’un bon ouvrage.

Ces imperfections, M. de Fontanes les a fait disparaître longtemps après, dans une traduction presque entièrement nouvelle, écrite avec la chaleur de l’inspiration, et le scrupule d’un long examen. Quand il se détermina, l’année dernière, à la publier pour l’époque où l’on annonçait enfin la traduction promise et laissée par M. Delille, les amis de M. de Fontanes, les nombreux admirateurs de son beau talent, étaient bien loin de croire qu’il ne verrait pas le succès de son ouvrage, et qu’il aurait sitôt le même droit que son célèbre concurrent à cette impartialité qui s’obtient par la mort.

Les deux traductions ont paru, et les hommes qui aiment encore les lettres ont pu les comparer. Nous ne sommes pas assez sur de notre jugement, et nous ne le croirions pas assez désintéressé pour exprimer une préférence. À une autre époque, sans doute, cette lutte entre deux grands talents