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ESSAI SUR L’HOMME.

Un seul, en s’écroulant, fait crouler l’univers.
Que la terre un moment s’éloigne de sa route,
La lune et le soleil, abandonnant leur voûte,
S’égarent en désordre, et, comme eux détrôné,
L’ange qui les conduit, dans leur chute entrainé,
Laisse échapper d’effroi leurs rênes vagabondes,
Et les mondes brisés retombent sur les mondes.
Faut-il donc qu’à grand bruit le choc des éléments,
Arrachant l’univers à ses vieux fondements,
Porte au trône de Dieu l’épouvante et la guerre ?
Et pour qui ? pour toi seul, ver obscur de la terre !
Vain mortel ! ô démence ! ô trop coupable orgueil !

 Si tout à coup l’oreille, envieuse de l’œil,
Pour juger les couleurs croyait être formée ;
Si la main, dédaignant sa tache accoutumée,
Si le pied qui chemine, oubliant d’avancer.
Comme la tête humaine aspiraient à penser ;
Si chaque membre enfin, si la tête en délire
De l’âme souveraine osaient braver l’empire,
Quel désordre ! et pourtant n’es-tu pas aussi vain
Quand tu veux pour toi seul changer Perdre divin ?

 Tout ce qui fut créé ne fait qu’un grand système :
La nature est un corps qui pour âme a Dieu même ;
La matière et l’esprit, tout existe dans Dieu ;
Comme la vie et l’air, il circule en tout lieu,
Nulle part divisé, s’étend dans chaque espace,
Donne et produit sans cesse, et jamais ne se lasse ;
Dans les feux il échauffe, et dans l’onde il nourrit ;