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ŒUVRES DE FONTANES.

Nomme l’ordre un chaos ; mortel, dis à ton Dieu :
« Ici tu donnes trop, là tu donnes trop peu ;
« D’un nouvel univers amuse mon caprice :
« Si tout n’est fait pour moi, tu n’as point de justice
« Je dois arrêter seul ton regard paternel ;
« Sur la terre parfait, dans les cieux immortel. »
Va, brise la balance et le sceptre suprême !
Juge ton maître enfin, sois le Dieu de Dieu même !

 L’infatigable orgueil nous pousse vers les cieux ;
L’homme veut être un ange, et les anges des dieux :
Mais si l’ange tomba, l’homme est-il moins rebelle
Lorsqu’il ose accuser la puissance éternelle ?

 Pourquoi les feux du ciel brillent-ils ? et pourquoi
Ce monde est-il formé ? L’Orgueil dit : « C’est pour moi,
« Pour moi naît le printemps ; c’est pour moi que la terre
« Prodigue de ses fruits le luxe tributaire,
« Que mûrit le nectar dans la grappe enfermé,
« Et que la rose entr’ouvre un bouton parfumé.
« D’un or qui m’appartient la mine se féconde ;
« Ô mer ! comme ton roi porte-moi sur ton onde ;
« Soleil ! pour m’éclairer suis ton cours annuel :
« Cette terre est mon trône, et ma tente est le ciel. »

 Mais la Nature, hélas ! te déclare la guerre,
Lorsqu’elle ordonne aux feux de jaillir de la terre,
Aux vents empoisonnés de souiller le trépas,
Et dit à l’océan d’engloutir les États.
« Non, me répond l’orgueil, la Nature enchaînée