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ESSAI SUR L’HOMME.

Demande à Jupiter pourquoi ses satellites
Roulent autour de lui dans de moindres orbites ?

 Si du plan le plus sage, en méditant ses lois,
L’éternel Géomètre a dû faire le choix ;
S’il faut, dans le meilleur des univers possibles,
Que tout soit enchainé par des nœuds insensibles,
L’homme, esclave des sens, mais par l’âme éclairé,
De l’ange à l’animal doit remplir un degré ;
Ainsi donc, quels que soient tes vœux et ton audace,
Tout se borne à ce point : L’homme est-il à sa place !

 Le Ciel n’est point injuste, et ce qui semble un mal
Est quelquefois un bien dans le plan général.
Ta pénible industrie, en tes faibles ouvrages,
Tire à peine un effet du jeu de cent rouages,
Tandis que l’Éternel produit incessamment
Des effets infinis par un seul mouvement.
L’homme que sur ce globe il place au rang suprême,
Acteur subordonné d’un plus vaste système,
A des ressorts lointains est peut-être attaché ;
Je vois quelques rapports : le grand tout m’est caché.

 Quand le coursier fougueux saura pourquoi son guide
Presse ou retient les bonds de sa course rapide ;
Le bœuf, pour quels travaux, à ton joug enchainé,
Il te soumet son front dans Memphis couronné ;
Le sot orgueil de l’homme alors pourra connaître
Ses penchants, leur usage, et la fin de son être ;
Pourquoi Dieu mélangea ses maux et ses plaisirs ;