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DISCOURS

lent disparaît dans mes vers, le caractère de sa philosophie s’y retrace fidèlement.

J’ai déjà parlé de son style : d’après les défauts que je lui ai reprochés, on sent que j’ai essayé d’y répandre de la mollesse et de la facilité. Presque tous ses couplets se terminent par une harmonie symétrique, et des sons toujours réguliers ramènent des sens toujours complets. J’ai tenté de varier le rhythme, de suspendre, de réunir et de détacher les vers tour à tour. Les termes techniques consacrés aux objets de la philosophie reviennent souvent dans l’Essai sur l’Homme : un semblable poème en permet l’usage, et non l’abus. Je n’ai pu me donner à cet égard la liberté des poëtes anglais, qui bravent toutes les lois ; persuadé, comme je le suis, qu’on ne peut trop orner les idées abstraites d’expressions sensibles et lumineuses.

La version de l’abbé du Resnel obtint, quand elle parut, une réputation qui ne s’est pas soutenue chez les véritables gens de lettres. La force resserrée de Pope y disparaît trop souvent sous la faiblesse diffuse[1]. Cependant, l’abbé du Resnel a quelquefois de l’élégance ; on trouve des morceaux estimables dans son ouvrage : j’en ai cité quelques vers dans les notes qui accompagnent chaque épitre. On voit qu’il n’écrivait point encore à l’époque de la corruption. Il a

  1. La traduction en prose de Silhoüette fait bien mieux connaître l’Essai sur l’Homme que les vers de l’abbé du Resnel, elle manque d’élégance ; mais elle est exacte.