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DISCOURS

Si pourtant il est permis de prodiguer les images, c’est en écrivant sur Homère, cet inventeur des belles fictions. Son génie règne depuis plus de deux mille ans sur la littérature de tous les peuples polis. Ses plus illustres rivaux n’ont osé s’élever un trône qu’à l’ombre du sien. Il nous fait communiquer avec les âges les plus reculés : il en est le peintre le plus fidèle ; car le tableau des mœurs qu’il trace avec tant de vérité, nous instruit mieux que les récits douteux les historiens du premier âge. Son poème est une des grandes époques de l’antiquité. L’obscurité des temps qui le précèdent sert encore sa gloire, en persuadant à l’imagination qu’il a créé les plus beaux des arts, fiers de le citer pour leur premier modèle. Chacun de ses vers a produit des volumes de commentaires. Ses détracteurs et ses enthousiastes ont prodigué les blasphèmes et les cris d’admiration. Cependant il serait possible qu’Homère, qui occupa pendant vingt siècles toutes les voix de la renommée, ne fût pas encore jugé. Les questions souvent ramenées dans la littérature ne sont pas toujours celles sur qui l’on a rassemblé le plus de lumières ; elles attendent un bon critique pour les examiner et les résoudre..

Quoi qu’il en soit, Pope, en traduisant Homère, l’a fait mieux connaître que toutes les discussions ; il l’égale dans la partie descriptive : il ne reproduit pas : aussi bien les beautés naïves du père de la poésie. L’esprit de Pope, formé de l’esprit des siècles éclairés, n’était pas disposé peut-être à rendre facilement