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ŒUVRES DE FONTANES.

un crime comme les autres distinctions sociales. La destinée le favorisa jusqu’au dernier jour. À quatre vingt-trois ans, il a pu contempler ce Roi longtemps attendu, ce Roi, son premier protecteur, qui, malgré vingt-cinq années d’absence, n’avait oublié ni les traits, ni les vers d’un poëte ami de la vertu. Témoin du salut de la patrie, le poëte reconnaissant est mort sans trouble, après avoir vécu sans reproche.

Grâce à la modération de ses vœux, et surtout à la nature de ses travaux, M. Ducis, comme je viens de le dire, n’a point vu son existence troublée par nos orages politiques. Il vécut en paix, et ce fut là son bonheur. Pour vous, Monsieur, vous avez vu de près la tempête ; vous l’avez bravée, et dans quel moment ! lorsqu’elle avait déchainé toutes ses fureurs. C’est là, Monsieur, votre éternelle gloire.

Faut-il que je retrace de si funestes souvenirs dans ce jour de bonheur où le peuple entier célèbre la fête de son Roi ? Mais puis-je vous louer dignement, Monsieur, si je ne vous place au milieu de ces mouvements terribles dont je voudrais écarter l’image ? Votre voix courageuse a donc soutenu cette cause sacrée où la Providence a permis le triomphe du crime pour l’éternelle instruction de la postérité ! Vos regards ont bravé ceux d’un sénat de régicides qui, suivant votre énergique expression, s’étaient constitués eux-mêmes accusateurs, juges et bourreaux. C’est en vain que votre éloquence attestait les droits les plus saints, les formes protectrices de l’innocent, la vérité, la foi, l’honneur, la majesté royale, et jusqu’à l’intérêt même