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ŒUVRES DE FONTANES.

de tous les peuples. Si quelque talent nouveau s’annonce à la renommée par des qualités prédominantes, alors la foule s’écarte devant lui. Eh ! qu’importerait même qu’il eût commis quelques fautes, s’il venait s’offrir avec une production vraiment originale ? Les barrières de cette enceinte, n’en doutons point, s’ouvriraient en sa présence, et tout le corps brillerait de l’éclat apporté par un seul homme. Mais les talents supérieurs n’apparaissent qu’à de longs intervalles : les plus beaux siècles en furent avares. Au défaut de ces esprits du premier ordre, choisissons ces esprits justes qu’une critique saine, une littérature variée, un goût délicat, recommandent à l’estime. Ces derniers même ne sont pas communs. Songeons que déjà Racine et Boileau se plaignaient de leur rareté. Ils les recherchaient avec soin, ils les consultaient avec déférence. Boileau, le législateur du goût, ne dédaigna point les observations du sage Patru. Voltaire (car les mêmes principes se retrouvent dans les hommes dignes de se ressembler), Voltaire consulta plus d’une fois le docte abbé d’Olivet, et lui fit l’honneur de le nommer son maître.

Un tribunal de la langue et du goût est essentiel au maintien de toute littérature : il faut une autorité suprême pour réprimer les hérésies de tous les genres. On ne peut nier qu’à l’aide de ces traditions fidèles et respectées chez les écrivains français pendant un siècle et demi, la langue et le goût ont moins éprouvé de variations en France que chez la plupart des peuples voisins. À cent ans de distance, Boileau retrou-