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ŒUVRES DE FONTANES.

Malgré ces premiers efforts, la langue française était loin d’avoir dépouillé toute sa rudesse. Des constructions vicieuses, des inversions bizarres, des tours obscurs, et des locutions surannées, laissaient apercevoir la grossière empreinte des âges gothiques. Toutes les nuances du style étaient confondues. Aux excès de la plus monstrueuse enflure, on mêlait à chaque instant ceux de la plus ignoble familiarité. Il fallait donc fixer les principes encore incertains de cette langue, qui cherchait son propre génie ; il fallait, avant tout, lui donner l’ordre, la justesse, et la clarté, le plus essentiel de ses caractères ; il fallait de plus l’accoutumer aux bienséances de chaque style, en distinguant l’effet des mots bas ou nobles qui la composent ; il fallait chercher enfin ses règles et ses exceptions dans la nature et dans l’usage.

Tel fut le travail que s’imposèrent, il y a près de deux cents ans, les premiers fondateurs de l’Académie. Ces mains savantes et laborieuses, qui polissaient avec tant d’effort les éléments de la langue maternelle, n’ont pas créé les chefs-d’œuvre qui l’immortalisent ; mais elles préparèrent au moins, pour le grand siècle, les matériaux et les instruments avec lesquels il put élever l’édifice immortel de sa grandeur littéraire ; et c’est assez pour obtenir de justes hommages.

Notre littérature était dans l’enfance, lorsqu’on forma le projet d’épurer et d’ennoblir le langage. On luttait alors contre la barbarie de l’ignorance ou du pédantisme. Les littératures, en vieillissant, tombent dans une barbarie souvent pire que la première. Le siècle