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DISCOURS

les Discours moraux ? Il porte sans doute l’empreinte du même talent ; le sujet est beau ; mais ce sujet est-il rempli ? fallait-il en défigurer la gravité par ce ton satirique et railleur dont Voltaire abuse trop de fois dans ses compositions les plus sérieuses ? L’auteur d’Émile n’a-t-il pas exposé les mêmes preuves avec plus d’éloquence et de sensibilité ? La conversation d’un homme simple, du Vicaire savoyard, est plus poétique que les vers de Voltaire, écrivant Frédéric. Le poëme sur le Désastre de Lisbonne est bien supérieur, pour l’intérêt et le sentiment, à celui de la Loi naturelle. On y trouve encore des traits d’une bouffonnerie déplacée. On y peut critiquer des vers faibles, et relever quelques négligences de style ; mais ce poëme est une élégie quelquefois sublime sur les malheurs du genre humain. On voit que l’auteur y veut réfuter le système de l’Essai sur l’Homme, quoiqu’il s’en défende dans ses notes. Il ne faut pas avoir le génie de Voltaire pour tirer de funestes arguments contre l’optimisme, des tremblements de terre, des inondations, de toutes les calamités générales et particulières. Cette objection s’était présentée à Pope ; il y a répondu dans sa première épître.

Le plaisir qu’on éprouve à lire Voltaire ou à parler de lui m’entraîne malgré moi. Qu’on me permette encore quelques réflexions sur ces épîtres nombreuses de ses dernières années, à Horace, à Boileau, à l’empereur de la Chine, au roi de Danemarck, à la czarine ; sur tant de pièces charmantes,