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DISCOURS.

d’événements mémorables ! À quelle époque le génie de la guerre a-t-il montré plus d’audace et de combinaisons ? Comment cette armée, que je cherche encore aux rives de la Manche, est-elle déjà campée sur les bords du Danube ? Quel général fut mieux éclairé par cet instinct merveilleux que ne peut comprendre la raison vulgaire, et qui est le secret des grands hommes ! C’est en vain que le héros s’éloigne des côtes de l’Angleterre, il ne les perd jamais de vue ; il précipite sa marche, un mois s’écoule à peine : et Londres est à demi vaincue dans les murs de Vienne. Il a prédit avant son départ ses succès et toutes les fautes de ses ennemis. Il fait entrer dans ce calcul et la rapidité de sa marche et la lenteur de leurs mouvements et l’incertitude de leurs conseils et la constance des siens, et surtout la vieillesse de leurs habitudes et la nouveauté de ses entreprises.

Oserai-je le dire cependant ? ce génie militaire, si profond quand il conçoit, si hardi quand il exécute, trente mille hommes mettant bas les armes, Vienne ouvrant ses portes, deux cours alliées confondues, des trônes élevés et détruits, tous ces prodiges ne sont pas ce que j’admire davantage. C’est là ce que l’Univers attendait d’un si grand capitaine : mais ce qui m’étonne véritablement, c’est de ne voir jamais les affaires civiles négligées dans le tumulte des armes, c’est de retrouver le père de la patrie jusque dans les champs du carnage.

Du haut de ce bivouac, où placé à trois cents lieues de sa capitale, il observe les fausses manœuvres de