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DISCOURS

L’Italie moderne n’offre aucun poème fameux sur la philosophie. Tous les arts s’y sont efforcés de séduire ; ils ont craint d’éclairer : l’imagination seule s’en est emparée, et n’a point permis à la vérité de s’associer avec elle ; ou du moins, elle l’a enveloppée d’allégories aussi obscures que l’ignorance même.

C”est en France que Pope à deux rivaux dignes de lui, Despréaux et Voltaire.

Quand le premier parut, la poésie retrouva ce style qu’elle avait perdu depuis les beaux jours de Rome[1] ; ce style, toujours clair, toujours exact, qui n’exagère ni n’affaiblit, n’omet rien de nécessaire, n’ajoute rien de superflu, va droit à l’effet qu’il veut produire, ne s’embellit que d’ornements accessoires puisés dans le sujet, sacrifie l’éclat à la véritable richesse, joint l’art au naturel, et le travail à la facilité ; qui, pour plaire toujours davantage, s’allie toujours de plus près au bon sens, et s’occupe moins de surprendre les applaudissements que de les justifier ; qui fait sentir enfin et prouve à chaque instant cet axiome éternel : Rien n’est beau que le vrai.

La réunion de ces qualités si rares prouve que Despréaux avait plus d’étendue dans l’esprit que ne l’ont cru des juges sévères. On s’est plaint de ne point trouver dans ses écrits l’expression du sentiment :

  1. On me dira sans doute que j’oublie les auteurs du Roland et de la Jérusalem délivrée : mais l’Arioste et le Tasse, que le mérite de l’invention met au-dessus de ce grand satirique, et qui donnèrent à la poésie tant de séduction et de charme, ne sont pas des modèles de style, comme Horace et Boileau, Virgile et Racine.