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PRÉLIMINAIRE.

son, en décomposant les beautés de ce poëte, prouve qu’elle en a toujours suivi les écarts et gouverné le délire : mais tous les esprits n’aiment pas également la poésie lyrique ; quelques-uns préfèrent l’élégante familiarité, les grâces faciles, et la philosophie consolante, dont Horace a rempli ses belles épîtres. Elles instruisent tous les états, elles hâtent l’expérience de tous les âges : elles apprennent au jeune homme, au vieillard, à jouir sagement de la vie, à se consoler de la mort, à réunir la volupté avec la décence, la raison avec la gaieté. L’homme de lettres y trouve les préceptes du goût ; l’homme de bien, ceux de la vertu. Elles font rire l’habitant de la ville des travers qu’il a sous les yeux ; elles retracent au solitaire le charme de sa retraite : dans la joie et dans la douleur, dans l’indigence et dans les richesses, elles donnent des plaisirs ou des leçons ; elles tiennent lieu d’un ami ; et quand on a le bonheur d’en posséder un, elles font mieux sentir le charme de l’amitié.

Montesquieu a dit que l’esprit de modération était celui de la monarchie : Horace semble l’avoir senti ; il cherche à fixer le caractère inquiet et farouche des républicains, dans les jouissances douces d’une vie toujours égale. Sa philosophie consiste à fuir tous les excès ; principe également fécond pour le goût et pour le bonheur.

On sent bien que les beautés d’Horace, qui appartiennent à l’esprit, au talent cultivé, se rapprochent plus de celles de Pope, que les beautés originales de Lucrèce.