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SUR CORNEILLE ET RACINE.

le plus loyal des chevaliers, et le plus sage des économes, qui, selon l’usage antique, se plaçait toujours sur un siège plus élevé au milieu de ses enfants, et qui, après avoir commandé des armées et tenu les rênes d’un empire, ne s’occupait plus enfin, pour me servir de ses propres expressions, que du labourage et du paturage, les deux mamelles de l’État. Alors, dans d’autres professions, se trouvaient des mœurs plus simples encore et non moins recommandables. Une seule lampe éclairait les veilles du savant de Thou, des Harlay, des Potier, des Molé, des ancêtres du chancelier Daguesseau et du président de Lamoignon. Ces vénérables magistrats, fatigués des longues études de la nuit, se levaient avant le jour, et se hâtaient d’aller rendre la justice au peuple qui reposait encore ; ils ne se permettaient un peu de loisir que pendant quelques semaines de l’automne, et ce loisir même était occupé ; ils se retiraient dans leurs maisons de campagne, à côté des grands bois plantés par leurs pères, et dont ils perpétuaient avec soin les riches ombragés. Quand on entrait naguère encore dans les châteaux habités jadis par ces hommes illustres, quand on contemplait leurs images, aujourd’hui détruites par l’ingratitude, ne croyait-on pas revoir plus d’une fois le visage des vieux Romains ou des anciens preux ? Ne retrouvait-on pas dans quelques-unes de ces augustes physionomies le caractère de don Diègue, ou celui du père des Horaces ? Les femmes même de ce siècle avaient en général des traits plus nobles et plus touchants : l’urne que tient Cornélie n’aurait point paru déplacée dans