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SUR THOMAS.

contrastes s’appliquent à de grands objets, ils acquièrent une sorte de dignité imposante qu’ils n’ont point par eux-mêmes Il ne faut donc point s’étonner si la langue poétique de Voltaire, quoique moins parfaite que celle de Racine, à une sorte d’éclat éblouissant qui subjugue des esprits et attache l’imagination, surtout dans la jeunesse, âge où le premier besoin est d’être vivement frappé, et où l’on demande plutôt des effets qu’on ne les juge. »


Comment, après avoir si bien senti les effets de cette imagination impétueuse et mobile, qui entraîne Voltaire et le lecteur après lui, Thomas a-t-il mis si peu de mouvement et de rapidité dans son style ? Nous ne connaissons pas tout le plan de la Pétréide ; mais les six chants finis par l’auteur suffisent pour démontrer qu’il avait méconnu son génie en commençant une épopée. On y trouve de riches détails, mais tout est dessiné dans les mêmes proportions, et ces proportions sont toujours gigantesques. Nulle variété dans la manière de concevoir ni dans celle d’écrire. On distingue, par intervalle, des morceaux plus heureusement conçus. Le lecteur, rebuté par la monotonie de l’ensemble, pourrait ne pas les y chercher : il est juste de les offrir à son attention. Tel est ce tableau des Invalides que visite le Czar.

.....Tous étaient dans le temple.
C’était l’heure où l’autel fumait d’un pur encens ;
Il entre : et de respect tout a frappé ses sens :
Ces murs religieux, leur vénérable enceinte,
Ces vieux soldats épars sous cette voûte sainte,
Les uns levant au ciel leurs fronts cicatrisés,
D’autres flétris par l’âge et de sang épuisés,
Sur leurs genoux tremblants pliant un corps débile ;
Ceux-ci courbant un front saintement immobile,