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ŒUVRES DE FONTANES.

Se confiaient leurs plaisirs, leurs humeurs,
Et tous ces riens qui remplissent leurs cœurs ;
Se caressant, se parlant sans rien dire,
Et sans sujet toujours prêtes à rire.
Mais toutes deux avaient le même amant :
À son nom seul, ô merveille soudaine !
Lise et Chloé prirent tout doucement
Le grand chemin du Temple de la Haine.


Cet amant-là, s’il avait su écrire, eût pu faire un livre moins profond, mais plus agréable que l’Essai sur les Femmes. Elles se sont contentées d’estimer Thomas ; et l’on sait bien que leur estime fait peu de bruit.

Il cultiva la poésie comme l’éloquence, mais non point avec le même éclat. Ce n’est pas que, dans ce genre, il n’ait aussi du talent et de l’art. Il fait souvent de très beaux vers ; mais, comme tout lecteur peut le sentir, leur marche est lourde, et leur harmonie monotone. On permet à l’éloquence un peu de travail, de lenteur et d’austérité ; mais tous les mouvements de la poésie doivent être vifs, naturels et gracieux. On se rappelle dans l’Énéide le moment où Vénus se montre, dans les détours d’une forêt, à son fils étonné. La grâce de sa robe flottante, l’éclat de son front, et sa chevelure parfumée, ne suffisent pas pour la reconnaître. C’est par sa démarche seule que la divinité se manifeste tout entière, Et vera incessu patuit dea. Cette image charmante de Virgile est celle de la poésie, et surtout de la poésie épique. Au contraire, le style de Thomas se traine quand il faut s’élancer. Au lieu de parcourir tout son sujet d’un vol