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SUR THOMAS.

J’avoue que ce goût n’est pas le mien. J’aimerais mieux une beauté qui chantât plus souvent, et qui n’analysât qu’au besoin son être avec Locke. Je souhaiterais même que ce besoin vint rarement. Les chansons bercent l’enfance, inspirent l’amour et consolent la douleur. Elles sont, je crois, plus convenables aux mères, aux nourrices et aux amantes, que tous les systèmes sur l’entendement humain.

Quoi qu’il en soit, Thomas analyse, dans son Essai sur les Femmes, toutes les vertus dont elles sont susceptibles ; il compte de siècle en siècle toutes leurs grandes actions, tous leurs travaux, et jusqu’aux ouvrages publiés à leur gloire. Assurément leur apologiste n’oublie rien de ce qui peut accroître leur triomphe. On ne peut les honorer davantage, et leur rendre un culte plus solennel. Mais les femmes ne sont bien louées que par les passions qu’elles inspirent. L’auteur s’épuise à leur prodiguer la louange ; il multiplie les observations fines, les pensées ingénieuses, et même les sentiments délicats. Mais ce n’est point assez. Les femmes veulent avant tout de l’amour, et jamais elles ne se sont méprises sur les torts secrets de Thomas, en dépit de toutes ses flatteries.

Et cependant, quelle reconnaissance ne lui doivent-elles pas ! Il soutient contre Montaigne, un peu trop naïf à la vérité, que deux femmes peuvent s’aimer fort sincèrement. Le docte et vertueux orateur avait oublié ces jolis vers de Voltaire :

Plus loin venaient, d’un air de complaisance,
Lise et Chloé qui, dès leur tendre enfance,