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ŒUVRES DE FONTANES.

satire indirecte du gouvernement donnait plus de prix à cette espèce d’éloquence.

Le caractère de Sully était plus beau que les trois premiers. Mais, si vous exceptez quelques traits des dernières pages, Thomas, dans ce discours, est resté fort au-dessous de lui-même, et surtout de son héros. C’est alors qu’il commence à faire un grand abus des termes abstraits et des comparaisons tirées de la mécanique. Tout est poids et contrepoids, force et levier, action et réaction. Les critiques remarquèrent justement l’emphase et l’obscurité de quelques phrases de cet éloge. On n’a jamais prodigué l’orgueil des grands mots et le vague des idées avec plus d’excès que dans le portrait de ce ministre, qui doit veiller sans cesse à retrancher de la somme des maux, qu’entraîne l’embarras de chaque jour, le choc et le contraste éternel de ce qui serait possible dans la nature et de ce qui cesse de l’être par les passions,[1] etc.

On retrouve plusieurs de ces défauts dans l’éloge de Descartes. L’orateur étale les connaissances qu’il vient d’acquérir, avec trop de luxe et d’ambition. Il fait agir trop longtemps les siècles passés sur l’âme de Descartes, et réagir l’âme de Descartes sur les siècles futurs. Mais plus d’une beauté couvre ces taches et doit les faire pardonner.

L’abbé d’Olivet et l’abbé Le Batteux ne voulaient pas, dit-on, qu’on couronnât cet ouvrage ; ils en trouvaient le style plein d’enflure, et les détails plus

  1. Voyez l’Éloge de Sully.