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DU GÉNIE DU CHRISTIANISME.

lui faut chercher des beautés qui ne sont pas les siennes, et dont il n’a pas besoin. Est-il vrai, par exemple, que lui seul, en chassant les Faunes, les Satyres et les Nymphes, ait rendu aux grottes leur silence, et aux bois leur rêverie ; qu’il ait exhaussé le dôme des forêts, et qu’il les ait remplies d’une Divinité immense, etc., etc ? Mais les bois du druide n’avaient-ils pas ce caractère solennel et sacré ? Ne sait-on pas que l’ancien peuple cette n’avait que des Dieux immatériels et invisibles, et qu’il donnait ordinairement leur nom à l’endroit le plus caché des forêts, comme nous l’apprend Tacite ? Il n’adorait qu’en esprit ce lieu plein d’une majesté cachée, et n’osait même y lever les yeux ; lucos ac nemora consecrant deorumque nominibus appelant secretum illud, quod solà reverentià vident[1]. Or, malgré tous les anathèmes que prononce M. de Châteaubriand contre la mythologie, je pense qu’un homme né avec un aussi beau talent que le sien, eût pu trouver le même enthousiasme et les mêmes rêveries dans ces bois de Delphes, où les antres, les trépieds et les chênes étaient prophétiques. La fable ne disait-elle pas que deux aigles, envoyés par Jupiter, et partis des extrémités du monde, en volant avec une égale vitesse, s’étaient rencontrés au milieu de l’univers, dans l’endroit même où le temple de Delphes avait été bâti ? C’était là que la Divinité, toujours présente, recevait les hommages de toutes les nations ; c’est de là qu’elle jetait un coup d’œil égal sur toutes

  1. De moribus Germanorum.