Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
243
DU GÉNIE DU CHRISTIANISME.

l’observe lui-même avec d’autres critiques. On retrouve, en effet, dans cette description, les élans passionnés d’une âme tendre qui portait l’amour divin jusqu’à l’excès ; mais ce morceau n’est pas le seul où l’auteur a répandu l’esprit du christianisme. Je n’en indiquerai qu’un autre exemple.

Le fils d’Ulysse, séparé quelque temps de Minerve, qui le conduit sous la figure de Mentor, est seul dans l’île de Chypre, en proie à toutes les séductions de Vénus et de son âge ; il est prêt à succomber. Tout à coup, au fond d’un bocage, parait la figure austère de ce même Mentor, qui crie d’une voix forte à son élève : Fuyez cette terre dangereuse. Les accents de la divinité cachée rendent au cœur amolli du jeune homme son courage et ses vertus. Il se réjouit de retrouver enfin l’ami qu’il regrette depuis si longtemps ; mais Mentor lui annonce qu’il faut se quitter encore, et lui parle en ces mots :

« Le cruel Métophis, qui me fit esclave avec vous en Égypte, me vendit à des Arabes. Ceux-ci, étant allés à Damas en Syrie pour leur commerce, voulurent se défaire de moi croyant tirer une grande somme d’un voyageur nommé Hazael, qui cherchait un esclave grec. Hazael m’attend ; adieu, cher Télémaque. Un esclave qui craint les Dieux doit suivre fidèlement son maître. »

Il y a des beautés de plusieurs genres dans cet épisode. Tout le monde remarquera sans peine que Minerve ne vient point secourir Télémaque quand il est captif aux extrémités de l’Égypte, ou quand il com-