Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
240
ŒUVRES DE FONTANES.

il compare, sous le point de vue poétique, le ciel des chrétiens à l’Olympe, le Tartare à notre enfer, nos anges aux Dieux subalternes du paganisme, et nos saints à ses demi-dieux.

On ne peut sans doute assigner de bornes au génie. Ce que Boileau jugeait impraticable sera peut-être tenté quelque jour avec succès. Milton, à qui le goût fait tant de reproches, montre pourtant jusqu’à quel point la majesté des livres saints élève l’imagination poétique. Mais est-ce assez pour justifier l’opinion de ceux qui

Pensent faire agir Dieu, les saints et les prophètes,
Comme les Dieux éclos du cerveau des poëtes ?


En effet, si Milton est sublime, ce n’est point quand il peint la Divinité reposant dans elle-même, et jouissant de sa propre gloire au milieu des chœurs célestes qui la chantent éternellement. Alors le poëte est gêné par la précision des dogmes théologiques, et son enthousiasme se refroidit. C’est dans le caractère de Satan qu’il s’est élevé au-dessus de lui-même. On en devine bientôt la raison. C’est que Satan déchiré par l’orgueil et le remords, par les sentiments opposés de sa misère présente et de son antique gloire, a précisément, et même à un plus haut degré, toutes les passions des Dieux de la mythologie. C’est un sujet rebelle qui rugit dans sa chaîne, c’est un roi détrôné qui médite de nouvelles vengeances ; en un mot, c’est, avec des traits plus hardis, un Encélade frappé de la foudre, un Prométhée qui délie